
Le Congo est à un tournant crucial de son existence. Et malheureusement, les défis en face sont énormes : sécurité et conservation de l’intégrité territoriale, climat des affaires, gouvernance et la partition à jouer par les citoyens…, l’entrepreneur congolais vivant en Belgique, Mike Nyembo Nkulu propose une analyse mesurée, dépouillée des émotions.
“Il est essentiel de comprendre que chaque régime a ses forces et ses faiblesses. La solution réside dans l’évaluation critique des politiques actuelles et passées, en tirant les leçons des erreurs et en bâtissant sur les succès pour avancer», souligne-t-il en parlant de la tendance des certains congolais à dire: «c’était mieux au temps de Kabila».
A sa manière, Nyembo tente, sans négliger la responsabilité des gouvernants, de rappeler aux Congolais qu’ils devront être le changement qu’ils attendent des dirigeants afin de contribuer au rayonnement de la bonne gouvernance, de la démocratie et de la Paix dans le pays. Interview.
Monsieur Mike Nyembo, le Président Félix Tshisekedi est à son second mandat. Plus les jours passent, plus les Congolais semblent tomber dans ce que j’appellerai: «c’était mieux avant», «Kabila azonga». Quel est votre lecture?
La nostalgie envers les anciens régimes est un phénomène courant lorsque les attentes placées dans un nouveau leadership ne sont pas pleinement satisfaites. Sous la présidence de Félix Tshisekedi, certains Congolais peuvent ressentir une déception due aux défis persistants, tels que l’insécurité, la corruption et les difficultés économiques. Cette perception peut les amener à idéaliser la période de Joseph Kabila, malgré ses propres controverses. Il est essentiel de comprendre que chaque régime a ses forces et ses faiblesses. La solution réside dans l’évaluation critique des politiques actuelles et passées, en tirant les leçons des erreurs et en bâtissant sur les succès pour avancer.
Un dicton dit : «un peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite». Vous, en tant que jeune et leader d’opinion, quel rôle pensez-vous que le peuple congolais a à jouer pour contribuer à la bonne gouvernance dans ce pays où l’on a l’impression que la corruption et le détournement se porte plutôt bien?
Le peuple a un rôle crucial à jouer dans la promotion de la bonne gouvernance. En tant que citoyens, il est impératif de s’impliquer activement dans les processus démocratiques, notamment en votant de manière éclairée, en exigeant la transparence et en tenant les dirigeants responsables de leurs actions. L’éducation civique, la sensibilisation et la participation aux mouvements sociaux peuvent également renforcer la lutte contre la corruption. La pression populaire, lorsqu’elle est bien orchestrée, peut forcer les dirigeants à adopter des pratiques de gouvernance plus transparentes et responsables.
J’aimerai qu’on parle aussi de ce qui se passe dans l’Est du pays. Sur les réseaux sociaux, on voit des vidéos filmées par des Congolais qui montrent des soldats blessés de guerre abandonnés à leur triste sort. Comment jugez-vous ces initiatives?
La diffusion de ces vidéos sur les réseaux sociaux révèle une réalité alarmante et met en lumière les défaillances de l’armée nationale. D’un côté, ces initiatives peuvent être perçues comme un acte de désespoir et un appel à l’aide, visant à attirer l’attention des autorités et de la Communauté internationale sur la situation critique des soldats. De l’autre côté, elles peuvent également exposer des vulnérabilités stratégiques à l’ennemi. Il est crucial que le gouvernement prenne des mesures immédiates pour améliorer les conditions des soldats et assurer leur prise en charge, tout en contrôlant la diffusion d’informations sensibles en temps de guerre.
On a suivi le Directeur de cabinet du chef de l’État sur RFI qui, réagissant sur une question par rapport au climat des affaires en RDC, a déclaré que la guerre est à 2000 km de la RDC. Ce qui a provoqué un tollé. Quelle est votre lecture de cette déclaration?
La déclaration du directeur de cabinet a sans doute été perçue comme insensible et déconnectée de la réalité vécue par les Congolais, surtout ceux de l’Est. En minimisant la distance géographique, il semble ignorer l’impact profond et généralisé que le conflit a sur le pays tout entier, tant sur le plan humanitaire qu’économique. Il est possible que cette déclaration ait été un lapsus, une tentative maladroite de souligner que le conflit est localisé et ne doit pas décourager les investissements dans d’autres parties du pays.
Cependant, un tel lapsus peut nuire à la crédibilité du gouvernement et accentuer le sentiment de marginalisation des populations affectées. Il serait plus judicieux de reconnaître les défis tout en mettant en avant les efforts déployés pour améliorer le climat des affaires malgré ces obstacles.
Vous qui êtes homme d’affaires, quel message donneriez-vous à ceux qui hésiteraient à venir investir en RDC pour cause de la guerre de l’Est?
La RDC présente un potentiel économique considérable malgré les défis sécuritaires. Pour les investisseurs, il est crucial de voir au-delà des difficultés actuelles et de reconnaître les opportunités uniques offertes par le pays, notamment dans les secteurs minier, agricole et énergétique. Le gouvernement s’engage à améliorer le climat des affaires et à instaurer des réformes pour attirer les investissements. De plus, des partenariats stratégiques avec des entreprises locales peuvent atténuer les risques. Il est également conseillé de s’informer sur les régions stables et de collaborer avec des experts pour naviguer les complexités du marché congolais.
Propos recueillis par René Kanzuku
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