Il est jeune, intelligent, ambitieux, brave, optimiste, intègre, ouvert d’esprit, mais plutôt discret. Il est à la tête d’une très grande maison des retraités allemands, en Allemagne où il réside depuis 7 ans. Il s’appelle Daouda Sawadogo, d’origine burkinabée. Ce jeune homme noir d’une grande carrure ne cesse de faire parler de lui par sa manière de travailler et son dévouement dans son domaine de prédilection. Expert en comptabilité, management et aussi médecin généraliste, Sawadogo marque les empreintes de son savoir partout où il foule les plantes de ses pieds. Il est considéré aujourd‘hui comme un modèle de réussite d’une jeunesse issue du flux migratoire. Dans une interview à cœur ouvert accordée au Journal Le Regard, Daouda parle de sa détermination et son savoir-faire comme exemple de réussite pour les africains vivant en Europe. Vivant en Allemagne, pays réputé raciste, ce jeune africain avoue n’avoir jamais été victime du racisme ou des propos discriminatoires de la part des allemands, du haut de ses 7 ans de vie dans cette terre d’accueil.
Interview:
Bonjour, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Bonjour, je suis tout d’abord heureux de partager cet échange avec vous et vous remercie pour cette marque de considération. Je réponds au nom de Daouda Sawadogo, originaire du Burkina Faso. Ça fera exactement 7 ans et demi que je vis en Allemagne. J’ai pendant longtemps travaillé chez Gœthe Institut du Burkina Faso où j’ai occupé le poste d’assistant de direction. Après ce beau passage, je suis venu en Allemagne où je travaillais à mon arrivée, comme comptable, puis chargé de finances dans une firme de la place. Actuellement, je suis responsable d’une grande maison des retraités où je gère tout le personnel.
Vous êtes à la tête d’une grande maison des retraités en Allemagne. Comment avez-vous fait pour arriver à ce niveau, alors que vous êtes africain?
Peu importe l’origine de l’homme, ce qui le rend utile dans la société, c’est ses compétences et non sa couleur. Il m’a fallu plus au moins deux dures années pour finalement être accepté. Dans la vie, il faut utiliser toutes les opportunités qui se présentent devant vous. J’avais une expérience dans la comptabilité, quand j’ai quitté mon pays. Mais, arrivé en Allemagne, je m’étais lancé dans le domaine de la santé, parce que c’était aussi l’une de mes passions depuis mon pays, le Burkina Faso. C’est ainsi que je fis une formation de 3 ans comme chargé des personnes du 3ème âge.
A travers cette formation professionnelle, j’ai eu la chance de rencontrer une dame qui m’a ramenée dans la firme où je gère actuellement. Après un petit moment de travail, elle me demandera de la remplacer. J’ai alors occupé la place de Directeur intérimaire. Au début, tout était un peu difficile, car ma cheffe ne me faisait pas confiance, vu mon jeune âge et aussi le fait d’être étranger. Je travaillais plus de 60 heures, dédoublant mes heures de travail, pour me faire remarquer. J’avais fait preuve de détermination afin de prouver que j’étais aussi capable d’assumer ce poste de direction.
Pourquoi avez-vous choisi ce secteur des retraités ?
Contrairement aux européens, nous, les africains, avons souvent nos familles à côté, il y a toujours des petits-fils ou filles qui s’occupent de leurs grands-parents. Nous avons ici des gens qui ont travaillé dur après la 2ème guerre mondiale, d’autres ont vécu cette horreur, mais qui, au fil de temps, se sentent un peu délaissés. Tout avait commencé en 2015 lors de ma visite ici, en Allemagne où j’avais vu ces hommes et femmes âgés qui se retrouvent souvent sans famille dans les foyers. Je m’étais alors fait le vœu d’être ce Robin des Bois qui va s’occuper d’eux d’une bonne manière.
Dans ce haut poste, nous estimons que vous avez beaucoup de blancs sous votre pouvoir. Ne subissez-vous pas des pressions racistes?
J’ai ma philosophie sur le racisme. Disons que la majorité des gens sur terre ont été au moins une fois victimes des propos méchants ou discriminatoires de la part des autres. Quant à moi, je n’aimerais pas verser dans la victimisation. Je me considère comme citoyen du monde et tout le monde est un frère ou une sœur. La couleur de la peau n’est pas la définition de l’homme, car cette couleur est souvent influencée par le climat.
Au travail, étant noir, cela ne m’étonne pas quand les gens viennent et apprennent que cela ne soit pas un blanc qui leur répond, car il est difficile de trouver un noir à ce poste. Je ne considère pas cela comme du racisme, car je me dis que si tous les noirs travaillaient dur dans le but d’occuper certains hauts postes, ces vieilles habitudes qui consistent à minimiser ou sous-estimer les noirs, disparaitront.
Je sais que beaucoup ne sont pas encore habitués de voir les noirs au sommet dans des pays étrangers, surtout en Europe. Mais, j’aimerais ici informer l’opinion internationale que les noirs aussi possèdent des capacités ou des compétences qu’il faut pour donner le meilleur…, car l’intelligence n’a pas de couleur de peau. Depuis que j’ai été élevé comme le numéro 1 de cette grande maison des retraités allemands, je ne me suis jamais plaint du racisme ou des propos discriminatoires, car mon personnel me respecte à ma juste valeur. Elles sont toutes des personnes géniales.
Ça fait combien de temps que vous travaillez à ce poste ?
Ça fera plus au moins deux bonnes années que j’assume la haute responsabilité de la hiérarchie de cette maison des retraités, soit depuis 2019.
En Europe, les africains sont réputés travailleurs de bas étage. Sur base de quel critère êtes-vous arrivé là?
Dès mon arrivé en Allemagne, j’avais en tête que je suis venu pour travailler, réussir, impacter et apporter une valeur ajoutée dans le pays d’accueil. Chose faite. Qu’on se le dise. Lorsque nous décidons de nous installer dans un pays étranger, nous devons aussi contribuer à son développement, d’une manière ou d’une autre. D’où, pour revenir à la question, il n’y a eu aucun critère, si ce n’est le travail acharné. Un travail acharné distingue toujours.
Selon vous, qu’est-ce qui fait que les africains ne puissent pas occuper des hautes fonctions en Europe ?
Je dirais qu’il y a deux cas. Il y a des africains qui arrivent et se mettent directement dans la peau d’une basse classe, donc des gens inférieurs. Cette attitude les bloque automatiquement. En se considérant comme inférieur, on arrivera à rien accomplir sur une terre étrangère. De l’autre côté, il y a des africains comme moi, qui ont brisé cette glace en s’intégrant et imposant leur savoir-faire. Tout se passe dans la tête. Aussi longtemps que les africains se sentiront inférieurs dans des pays étrangers, ils ne progresseront jamais.
Mais, il faut aussi l’avouer que ce n’est pas facile pour un citoyen du pays d’accueil de céder sa place au détriment d’un étranger. Alors, pour se trouver une place, il faut travailler doublement, chose qui est à mon humble avis, normale. Pour que les africains soient considérés pour des hautes fonctions, il faut qu’ils apprennent à s’intégrer dans leurs pays d’accueil, entrer dans le système, apprendre les langues de leurs pays d’accueil, suivre des formations…, pour se rendre utile au sein de la société. Aussi longtemps qu’ils croiseront les bras et attendront les aides sociales, ils seront toujours moins considérés.
Quels conseils pouvez-vous donner aux africains qui ne s’épanouissent pas en Europe ?
Mon premier conseil c’est l’intégration, sortir du ghetto africain… ils doivent côtoyer les fils et filles du pays d’accueil, évitant de fréquenter leurs compatriotes, pour ne pas se sentir comme au pays. Cette situation est la cause majeure du ralentissement ou blocage de l’épanouissement des plusieurs africains en Europe. S’entourer des amis du pays où l’on vit ouvre des portes d’opportunités, car ces amis connaissent mieux leur pays pour t’orienter…
Je donnerais toujours mon exemple personnel. Si aujourd’hui je suis chef là où je travaille, c’est parce que j’étais en contact avec une citoyenne allemande. Sans l’intégration et le contact de cette dame, malgré ma connaissance, mes compétences et capacités, je n’arriverais jamais là.
Avez-vous des projets d’avenir pour l’Afrique ?
Étant responsable dans le domaine de santé, j’ai beaucoup appris et acquis des nouvelles connaissances que je trouve aussi utiles pour l’Afrique. D’où, j’envisage dans les prochaines années, investir en Afrique dans mon domaine, car mon dernier voyage au Burkina Faso m’a rendu triste. J’ai vu comment la population vit dans la précarité et meurt… J’aimerais faire quelque chose, mais comme on dit souvent qu’on ne révèle pas ses cartes aussi longtemps que le match n’est pas encore fini, je parlerais de mes projets tout prochainement… Ce qui est sûr, je prépare beaucoup des bonnes choses pour l’Afrique.
Propos recueillis par René Kanzuku
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