14/11/2024

Le Regard

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Tribune: « voici les faussetés de Tata Cardinal Ambongo »

TRIBUNE: Voici les faussetés de Tata Cardinal Ambongo

Il est certes mal perçu et, je dois l’avouer, peu aisé d’employer des termes tels que mensonge, fausseté, manipulation,… lorsqu’on parle d’un Cardinal, autorité suprême de l’Eglise catholique en RDC. Il est encore plus difficile de le faire lorsque, comme moi, on est fils d’un Tata Moyangeli de CEVB, on est né dans une famille catholique, éduqué et instruit dans des sérieuses institutions catholiques.

Mais en même temps, comme citoyen congolais, tenant à mon indépendance d’esprit et aux principes démocratiques qui consacrent la liberté de pensée et d’opinion, je ne saurai me taire quand j’entends le prince de l’Eglise affirmer des choses qui, à mon avis, sont justes fausses.

En effet, après sa rencontre avec le Président brazza-congolais Denis Sassou Nguesso avec qui il a, entre autres, échangé sur la question de la CENI, Tata Cardinal a affirmé ceci: «Nous, l’Eglise catholique et l’Eglise protestante qui constituent 90% de la population de la RDC, nous avons dit au Président Tshisekedi que (Denis Kadima) ce n’était pas un bon choix». On peut relever quelques faussetés dans sa déclaration et une incohérence dans la démarche du prélat catholique.

Les faussetés

Première fausseté: «l’Eglise catholique et l’Eglise protestante constituent 90% de la population congolaise». Cette affirmation est juste fausse à deux niveaux. Au premier niveau, il nous suffit juste de se permettre une petite réflexion logique.
Déjà, Tata Cardinal n’appuie son argument sur absolument rien de sérieux. Ça a plus l’air d’une simple vue de l’esprit qu’on devrait avaler comme parole d’évangile (?). Le dernier recensement mi scientifique, mi administratif, du reste partiel, a été fait dans l’ex-Zaïre en 1983 (ou 84). Sauf preuve du contraire, ce recensement n’a pas donné de statistiques précises sur le nombre des fidèles catholiques au Zaïre, encore moins celui des protestants.

Encore faut-il souligner ici que l’ECC ne représente pas forcément toutes les églises de foi protestante. Les plus avisés se souviendront qu’il y a quelques années encore, l’Armée du Salut faisait partie de cette plateforme administrative qu’on appelle ECC qui n’est pas une Archidiocèse protestante, les communautés protestantes étant autonomes.

Cependant, la progression des Églises évangéliques appelées communément les Églises du Réveil n’est pas négligeables. A Kinshasa, autant qu’à l’intérieur du pays, ces Églises qu’on appelait «Binzambi nzambi» ont pris beaucoup de place. Elles sont dans presque chaque pâté de maisons, dans chaque rue, chaque quartier de toutes les communes. Des années 90 à ce jour, l’on compte de plus en plus d’anciens catholiques convertis en « Frères ou Sœurs en christ ». L’hégémonie des Église catholique et protestante en termes des fidèles est à revoir. Les 90% des Congolais dont parle Tata Cardinal n’est qu’une… fausseté, sinon, un souvenir de la colonisation et donc du déracinement des populations congolaises de l’époque de leur culture, une rupture d’avec leur âme. (Cfr le débat sur le vol des œuvres d’arts par les colons).

Au second niveau, on est en droit de s’interroger si tous les catholiques, du Cardinal au nouveau-né baptisé, en passant par les Tata Moyangeli des CEVB, les Kizito-Anuarite (Groupe KA), les APA, Bilenge ya mwinda et les mamans fleurs, ont été tous consultés avant que l’Eglise catholique ne donne son avis sur le choix ou pas de Denis Kadima. La réponse est claire: NON.

Les affaires d’Etat étant liées aux notions de la laïcité, de la liberté de pensée et d’opinion, le Cardinal, mieux les évêques, ne devraient pas usurper les droits des autres citoyens congolais de foi catholique, ni parler en leur nom. Ce, alors que l’on sait, par exemple, que l’Église catholique, avec Tata Cardinal en première ligne, a sérieusement vilipendé Ronsard Malonda en 2020. Pourtant celui-ci, fervent catholique engagé, sorti d’un couvent dans le Kongo-central, n’avait pour seul péché que d’avoir été choisi par les six autres Confessions religieuses que les Cardinal et le Président de l’ECC avait, à l’époque encore, accusées de corruption. Les deux Églises ont promis des excuses à leurs pairs, mais elles ne l’ont jamais fait, autant qu’elles n’ont jamais prouvé la moindre corruption.

Qu’à cela ne tienne, un autre élément est à souligner pour illustrer la fausseté de l’affirmation de Tata Cardinal. Dans leur charte largement partagée sur le net, on lit en son article 17 que lors du vote, «(…) chaque Confession religieuse n’a qu’une seule voix». Alors en quoi le nombre des fidèles serait-il un argument qui pèserait dans la prise de décision entre Confessions religieuses?
Du coup, que le Cardinal souligne qu’ils ne voulaient pas de Kadima pousse à se poser des questions sur sa compréhension du concept DÉMOCRATIE.

Incohérence dans la démarche de l’Eglise catholique

Il n’y a pas longtemps, Tata Cardinal a évoqué (la crainte) que Tshisekedi dérive dans la dictature. Pour lui barrer la route, le Cardinal, sûrement fort d’un «esprit sain», décide d’aller voir Denis Sassou Nguesso, dictateur, franc-maçon assumé, depuis des décennies président d’un pays dont les opposants, s’il en reste, sont souvent contraints de passer par des médias RD-congolais pour s’exprimer! Cela n’a vraiment pas de sens.

Pire que ça, l’Eglise catholique et l’ECC, comme hier à l’île de Gorée, font aujourd’hui officiellement partie d’un mouvement politico-religieux aux côtés des alliés comme Martin Fayulu et son Lamuka, Moïse Katumbi et son Ensemble pour la République, et le FCC de Joseph Kabila.

Ceci me rappelle une image. Le 27 décembre 2018, celui de Félix Tshisekedi sortant du Centre interdiocésain, visiblement abattu et déçu de la pression des évêques qui lui exigeaient de désister dans la course à la Présidentielle de la République au profit de Martin Fayulu, alors candidat de Lamuka. Comprendre qui pourra.

MATSHI André Darnell/Activiste indépendant