25/01/2025

Le Regard

De l’information fouillée et vérifiée

Cartes crédit: Barnabé Kikaya donne des leçons du journalisme à Israël Mutombo

Le journaliste Israël Mutombo dit « Sango » a, via son émission « Bosolo na Politiki », affirmé que Barnabé Kikaya Bin Karubi, l’un des proches de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila, fait partie des bénéficiaires des cartes de crédit connectées au Compte général du Trésor public. Réagissant à ces affirmations, ce professeur de journalisme, politicien, diplomate et passionné de la moto, n’a pas seulement déposé une plainte au Parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe contre « Sango », mais il lui a également, à travers son site web www.kikayabinkarubi.net , donné quelques leçons du journalisme liées à l’investigation ou l’enquête…

René Kanzuku

Israël Mutombo : entre sacrilège et imposture

Le you-tubeur se présente en une tenue de la liturgie sacrée de la sainte Eglise Catholique, dans une posture impie et blasphématoire sans que cela n’émeuve les responsables de cette confession religieuse qui le laissent profaner les symboles sacrés de la foi, allant jusqu’à se faire appeler « Sango », entendez « prêtre ». https://www.youtube.com/embed/ww6dAUho2SE?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent

            Que dire de la profession noble de journaliste, un métier qui nécessite cinq longues années d’une formation universitaire rigoureuse ? Qu’un aide-soignant se fasse appeler journaliste d’investigation, c’est le comble de l’imposture qui ne peut en aucun cas être tolérée sous d’autres cieux.

            A mes étudiants en journalisme, je ne cesse de répéter que dans la corporation journalistique, il n’est genre aussi complexe que celui dit d’enquête, souvent appelé journalisme d’investigation. Sa caractéristique principale est « la durée de travail et des recherches approfondies sur un sujet »,faites par ceux qu’on appelle les « Grands Reporters ». 

            Le travail de ces derniers consiste à consulter plusieurs sources et à interroger plusieurs spécialistes « du sujet, ou témoins des événements » pour ainsi « trier plus efficacement les informations et découvrir des faits inédits. 

Leur connaissance des faits tiendra donc mieux compte de la réalité et leur analyse sera ainsi de meilleure qualité.https://www.youtube.com/embed/Tu8mGRZoxc4?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent

UNE CREDIBILITE ET UNE REPUTATION A ENTRETENIR…

Peut-on dire du dossier « Carte Visa » en passe de devenir un gros scandale financier qu’il s’agit du résultat des investigations menées par le  you-tubeur  Israël Mutombo, alias Sango, rendu célèbre par sa chaîne Bosolo na Politik en permanence à la recherche du sensationnel ? 

Israël Mutombo est manifestement au service des personnes malintentionnées avec instruction précise de nuire de manière inique à la réputation des personnes plutôt ciblées qu’impliquées. Car des 38 personnes impliquées, ne sont ciblés qu’Aubin Minaku, Emmanuel Shadary, Barnabé Kikaya Bin Karubi, Pépin-Guillaume Mandjolo et Sele Yalaguli, tous Kabilistes. 

            Je rappelle que « La définition du journalisme d’investigation, selon la déontologie du journalisme, implique également une indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques ou économiques, et une profondeur d’analyse qui résiste à la tentation de l’audimat ou à la course à l’exclusivité ».

Ce qui veut dire que le « journaliste » Israël Mutombo aura le courage – maintenant que je me résous à le traduire en justice pour imputations dommageables – de se défendre devant l’organe de loi et qu’il ne va pas se réfugier derrière la notion de secret professionnel puisque ce secret ne l’exempte pas de la responsabilité des imputations dommageables. 

            Ancien Ministre, ancien Ambassadeur, ancien membre du Parlement, journaliste de profession et professeur de communication à l’Université de Kinshasa, j’ai une crédibilité et une réputation à entretenir, à soigner, à sauvegarder. 

Lorsqu’un quidam, malheureusement non passé par la formation classique du journalisme, encore moins dans la profession comme autodidacte, se découvre soudain la vocation de faiseur d’opinion alors qu’infirmier de son état, il croit faire le buzz en répandant des mensonges sur le compte de ses compatriotes, il y a lieu que les organes régulateurs de la corporation journalistique l’interpellent. Après tout, c’est leur métier noble assimilé au 4ème pouvoir qui en prend un coup. 

N’en n’étant pas à son premier dérapage, et se croyant certainement puissant en raison de ses accointances, il ne peut pas s’instituer en justicier. Il faut bien qu’il se souvienne de l’existence de la déontologie et de l’éthique, pour autant qu’il ait la capacité intellectuelle d’assimiler ces notions qui sont l’abc du journalisme.

Pendant qu’il se laisse ou se fait utiliser (il ne saura jamais prouver ses allégations), il y a heureusement au pays des compatriotes qui, sans avoir quelque attache avec l’une ou l’autre des personnalités citées, doutent du scoop d’Israël Mutombo. Cas du député national Sam Bokolombe, professeur d’université de son état. Dans un tweet publié le 7 juin 2021, il note : « Il s’agirait plutôt des provisions mensuelles au profit de certains hauts cadres de l’État en raison de leurs fonctions pour leur permettre de répondre à des besoins urgents sans recourir à la chaîne de la dépense» et « En outre, ces cartes aux plafonds différents ne seraient pas connectées à la BCC, mais à une banque commerciale de la place qui les désactive une fois que la fonction cesse. C’était donc une fausse alerte au détournement de deniers publics, à tout le moins à mon sens ». 

Pour l’heure, en raison de la frénésie populaire qui s’empare d’une bonne partie de l’opinion friande du sensationnel, il est bien difficile de lutter contre la rumeur. Dans les réseaux sociaux, c’est à peine qu’est audible l’autre son de cloche. On pourrait même douter que l’intéressé soit en mesure de se ressaisir. 

L’IGNARE QUI VOULAIT CORRIGER CELUI QUI A LE SAVOIR

Mais, la faiblesse de la rumeur, surtout quand elle est fondée sur le mensonge et la manipulation, est de ne pas résister à l’ouragan de la vérité. Qu’adviendra-t-il lorsque celle-ci aura éclaté, étant donné qu’elle finira bien par l’être ?  « Bosolo na Politik » perdra de sa superbe. Israël Mutombo ne sera pas cependant seul. Ses commanditaires, eux, ne s’embarrasseront pas de le sacrifier. Et la communauté des you-tubeurs s’en remettra difficilement.

En attendant, ce sont les tireurs de ficelles et les souffleurs malicieux qui se retrouveront « Gros-Jean comme devant » comme le dit La Fontaine dans « La Laitière et le Pot au Lait », l’histoire de l’ignare qui voulait corriger celui qui a le savoir.  

Barnabé Kikaya Bin Karubi

Ancien Député, Professeur, Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.

 | Twitter: @kikayabinkarubi