23/04/2024

Le Regard

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Coronavirus : quel impact sur la tech à court et moyen terme ?

Alors que les mesures de confinement se multiplient dans le monde pour empêcher ce qui est désormais connu comme la pandémie de Covid-19, le capitalisme est confronté à l’un de ses plus gros défis du 21ème siècle.

Identifié dès la fin du mois de décembre, et officiellement catégorisé comme épidémie « d’urgence de santé publique de portée nationale » un mois plus tard par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le nouveau coronavirus est une mise à l’épreuve sanitaire (d’abord) et économique majeure (ensuite).

La tech, notre sujet de prédilection ici chez Clubic, n’est pas imperméable au climat délétère induit par la maladie. Une inquiétude grandissante qu’il est par ailleurs facile de dater : le 12 février 2020. Le jour où, face à la multiplication des cas et aux défections en cascade de ses participants, la GSM Association a décidé d’annuler la tenue du Mobile World Congress de Barcelone.

Depuis, il n’est pas un jour qui passe sans qu’un constructeur annonce le report de l’un de ses rassemblements, ou ne communique sur ses difficultés à assurer l’approvisionnement habituel de ses produits. Les usines tournent au ralenti (quand elles tournent), et les magasins ferment les uns après les autres pour satisfaire aux exigences régaliennes des pays en crise.

2020, qui nous était pourtant promise comme une année chargée, s’est rapidement transformée en un gigantesque bâton coincé dans la roue du progrès.

À l’heure où l’incertitude se lit sur les communiqués de presse de toutes les entreprises, resserrons la focale sur ce que nous savons précisément des perspectives d’avenir des acteurs de la tech que nous suivons au quotidien.

Les calendriers bouleversés

Que ce soit à la suite de la fermeture des frontières, conséquemment à la mise à l’arrêt de certaines usines, ou encore en réaction à un climat boursier très défavorable, de nombreux constructeurs ont dû renoncer au lancement de leurs produits.

On ne compte plus le nombre d’événements professionnels (salons, conventions, meetings, avant-premières) qui ont été sinon reportés, tout simplement annulés suite à la requalification du Covid-19 en pandémie.

Des mesures qui illustrent bien à quel point la mondialisation a au moins autant de vertus qu’elle crée de dépendances dans certains secteurs d’activité.

C’est particulièrement le cas dans l’informatique au sens large, où de nombreux constructeurs comptent sur des entreprises ultraspécialisées, notamment dans la confection d’écrans, ou la fonderie de microprocesseurs.

Le secteur informatique lourdement impacté

L’informatique, au sens large, est particulièrement impactée par la situation pandémique. La Chine, dont est issu un nombre conséquent de minerais nécessaires à la production de microprocesseurs, est aussi connue comme « l’usine du monde ». Un terme fort à propos, qui ne tente même pas de minimiser l’importance de l’Empire du Milieu dans l’industrie mondiale.

Épicentre originel de la pandémie de Covid-19, la Chine a donc été la première à mettre ses usines au ralenti, sinon à les fermer. Et l’impact de cette décision n’a pas été sans conséquence pour les entreprises dépendantes de ces matériaux, qui ont parfois du mal à maintenir le rythme de production habituel.

L’étendue des dégâts est encore difficile à dessiner. Mais de nombreux constructeurs de produits informatiques ont été amenés à revoir leurs plans. L’un des derniers en date est NVIDIA, qui prévoyait des annonces lors d’un événement le 24 mars. D’abord annulé pour ne plus se tenir qu’en ligne, celui-ci n’aurait tout simplement pas lieu.

« L’actualité peut attendre », titre l’entreprise sur son blog. Une façon de recentrer l’attention de ses fans sur le plus important : leur santé… mais aussi de masquer le fait que la nouvelle génération de GPU aura bien du mal à sortir des usines dans de pareilles conditions. Il n’y a qu’à se souvenir de la faiblesse des stocks de RTX Super en 2019 (et sans épidémie) pour s’en convaincre.

Aussi la frilosité des investisseurs en cette période trouble n’encourage certainement pas les constructeurs à dérouler leur calendrier comme prévu. Les marchés s’effondrent, et la priorité est ailleurs. Cerise sur le gâteau : NVIDIA estime que le coronavirus va lui coûter 100 millions de dollars au premier trimestre 2020.

D’autres sont plus sereins. C’est notamment le cas d’AMD qui, très récemment dans une interview à CRN, déclarait que la pandémie n’aurait finalement qu’un impact très modeste sur les revenus de l’entreprise. Il faut dire qu’avec la multiplication — de fait — de salariés forcés au télétravail, les concepteurs d’ordinateurs portables semblent ne pas connaître la crise. En fait, ils s’attendent même à ce que les situations de confinement total en Italie et en France dopent leurs ventes.Restera à voir si l’éventuelle maigreur des stocks ne conduit pas à une envolée des prix. C’est notamment ce qui se passe du côté des processeursdes cartes graphiques et des SSD dont les tarifs jouent au yoyo ces dernières semaines.

Les constructeurs de téléviseurs embêtés par le report de grands événements sportifs

Produit high-tech de masse par excellence, le téléviseur fait lui aussi grise mine.

Accusant déjà une chute vertigineuse de leur production de 30%, les constructeurs de téléviseurs ne prévoient aucune embellie avant mai prochain, où ce chiffre devrait descendre à 15%.

Les « petits » constructeurs sont aussi les plus impactés, relate le média spécialisé The Elec. Devant prioriser les constructeurs historiques comme Samsung, LG ou Panasonic dans leur carnet de commandes, les usines font passer au second plan les clients qu’ils estiment de moindre importance. Des clients qui, de fait, doivent revoir leur tarification à la hausse pour conserver une trésorerie stable.

À ces considérations économiques s’ajoutent de récentes décisions plus dramatiques encore pour les projections financières : l’annulation en cascade de grands événements sportifs.Il ne vous échappe pas que les grandes compétitions sont une occasion en or pour les constructeurs de vendre en masse des téléviseurs. Et l’annonce du report de l’Euro de football à l’été 2021 ne va certainement pas arranger leurs affaires.

Les marques restent ainsi suspendues à l’espoir d’un maintien des Jeux olympiques de Tokyo, que le CIO n’a pour le moment pas choisi de reporter ou d’annuler.

L’industrie du smartphone mise sur des événements en ligne

Mi-février, l’annulation pure et simple du Mobile World Congress a poussé les principaux constructeurs de smartphones à revoir leurs plans.

Certains ont néanmoins choisi de ne pas modifier leur calendrier. C’est notamment le cas de Xiaomi, ou de Huawei qui, chacun de leur côté, ont malgré tout tenu leurs conférences comme prévu… devant des salles vides.

En lieu et place des grands raouts auxquels ces constructeurs sont habitués, l’option la plus sûre reste d’opter pour des conférences en ligne à suivre en direct sur les plates-formes vidéo. Indolore pour les futurs clients éventuels, mais moins pratiques pour nous, journalistes, qui n’avons plus la possibilité de prendre en main les appareils en avant première pour livrer nos impressions.

C’est donc également en ligne que Huawei dévoilera officiellement les P40 et P40 Pro le 26 mars prochain, en lieu et place d’une conférence en grande pompe initialement prévue à Paris.Huawei, déjà lourdement handicapé en occident à cause des sanctions américaines qui lui pèsent depuis bientôt un an, ne devrait logiquement pas sortir la tête de l’eau sur le Vieux Continent avant de longs mois. Ce qui n’empêche nullement l’entreprise de prospérer, notamment grâce à ses équipements réseau. Le mois dernier, un porte-parole assurait à Reuters que l’épidémie n’avait « aucun impact » sur sa chaîne de production d’équipements 5G.

Bien sûr, le fléchissement de l’activité des usines d’assemblage a aussi un lourd impact sur la tenue des délais imaginés par les constructeurs. S’il n’a pas encore été officialisé par Apple, le futur iPhone 9 (ou SE 2) pourrait bien être l’une des victimes emblématiques de la crise. Mi-février, Nikkei révélait que les usines fournissant Apple ne tournaient qu’à 30 à 50% de leur capacité. Une situation que le journal spécialisé n’imagine pas se débloquer avant le mois prochain.

Apple doit aussi composer avec la fermeture temporaire de nombreux stores en Chine et, plus récemment, en Italie et en France. S’il assure que les commandes en ligne seront malgré tout honorées, la firme à la pomme a déjà anticipé un premier trimestre financier décevant. Un contexte particulier, qui ne l’a malgré tout pas empêché de dévoiler de nouveaux iPad Pro et un MacBook Air dernière génération le mercredi 18 mars dernier.

On peut aussi s’inquiéter que le très alléchant Mi 10 Pro de Xiaomi n’ait toujours pas vu sa sortie officialisée en Europe. Gageons que l’événement prévu le 26 mars par le constructeur clarifiera la situation.

On peut également citer Google, qui prévoyait probablement de profiter de son habituel événement I/O pour tomber le rideau sur le Pixel 4a.

Pour l’heure, OnePlus n’a pas communiqué en faveur d’un report ou d’une annulation de la présentation du OnePlus 8 et 8 Pro. Mais précisons que le constructeur n’a pas non plus daté officiellement sa conférence, que les rumeurs situent au 15 avril prochain.

Jeux vidéo : incertitude quant à la sortie des consoles nouvelle génération

Le secteur du jeu vidéo est lui aussi impacté à différents niveaux. Dans son cas, c’est surtout l’incertitude qui prime. Essentiellement depuis que les organisateurs d’événements phares de l’industrie ont annoncé qu’ils ne se tiendront pas.

Ces derniers jours, nous avons ainsi appris que l’E3 2020 n’aurait pas lieu. Indissociable de la culture vidéoludique, l’E3 est l’occasion souvent privilégiée par les éditeurs et développeurs pour faire des annonces majeures en termes de sortie. Cette année, on attendait surtout l’événement pour ce qu’il nous dirait des consoles de nouvelle génération — la PlayStation 5 et la Xbox Series X —, dont la sortie est encore prévue en fin d’année.

Mais la voix de spécialistes, dont le très réputé Daniel Ahmad, commencent à s’élever pour préparer à un possible report de la sortie des consoles next-gen. Sony et Microsoft ne sont en effet pas imperméables à la situation des usines d’assemblage, et il est plus que probable qu’un ou plusieurs maillons de la chaîne de production se retrouvent impactés par l’épidémie en cours.Fin février, c’est également les organisateurs de la Game Developers Conference qui ont pris la décision difficile de reporter l’événement à l’été prochain. Un coup dur pour les petits développeurs, qui comptaient beaucoup sur ce salon pour rencontrer d’éventuels éditeurs et faire parler de leurs jeux.

D’autres, en revanche, font contre mauvaise fortune bon cœur. C’est notamment le cas de Steam, qui a enregistré le 16 mars dernier plus de 20 millions de connexions simultanées. Un record.

Fortnite s’en porte également très bien. Le célèbre Battle Royale d’Epic Games aurait notamment été responsable d’un pic de connexion en provenance de l’Italie la semaine dernière, responsable d’une hausse de la bande passante de près de 70% selon un opérateur italien interrogé par Bloomberg.

Hasard du calendrier : Activision a également choisi de sortir Call of Duty : Warzone le 10 mars dernier. Totalement gratuit, ce Battle Royale avait déjà enregistré plus de 15 millions de joueurs en 72h.

Du reste, c’est le marché du dématérialisé qui devrait bondir dans les prochaines semaines. De nombreux titres majeurs sont en effet attendus dans les jours qui viennent : DOOM Eternal, Animal Crossing : New Horizon, Resident Evil 3 Remake, Final Fantasy VII Remake, Half-Life : Alyx… Autant de jeux sur lesquels comptaient aussi malheureusement les boutiques de jeu vidéo pour dégager un chiffre d’affaires important.

L’industrie des transports exsangue

Le secteur des transports accuse tant bien que mal le coup de la pandémie. Conséquence directe de la fermeture de nombreuses frontières et des mesures sanitaires renforcées, l’aviation civile est particulièrement impactée. Symbole de cette souffrance économique : AirFrance a annoncé, dimanche 15 mars, qu’il mettra 80% de ses effectifs en chômage partiel pendant la durée de la crise.

Les constructeurs automobiles subissent eux aussi les retombées d’une économie au ralenti — en particulier les marques spécialisées dans les véhicules électriques.Plusieurs nouveaux modèles ont ainsi vu leur sortie reportée (la Cadillac Lyriq notamment), et Renault et Peugeot ont tous deux annoncé que les usines produisant les Zoe et e-208 étaient mises à l’arrêt. Une démarche proactive suivie plus tardivement par trois gros constructeurs américains : Ford, General Motors et Fiat Chrysler.

Tesla n’est pas épargné par les plus récentes recommandations sanitaires. Malgré la certaine résistance qu’a faite Elon Musk ces derniers jours, l’usine Tesla de Bay Area (près de San Francisco) ferme jusqu’à nouvel ordre, handicapant de fait la capacité de production du constructeur américain.

De manière plus générale, il semble logique d’imaginer que les ventes des concessionnaires seront laissées exsangues au plus les périodes de confinement seront allongées.

Symbole fort que le secteur prend la crise au sérieux : le salon international de l’automobile de Genève avait été purement et simplement annulé par ses organisateurs. Côté sport automobile, le championnat de Formule E a quant à lui été suspendu après seulement 5 courses. Reprise des hostilités prévue cet été, si la situation s’améliore.Confiant, Volkswagen admet de son côté que la sortie de son ID.3 aura bien lieu cet été, sans retard à prévoir.

Ceci étant, l’industrie automobile se veut plutôt rassurante. À moins bien sûr qu’elle ait opté pour cette bonne vieille méthode Couet. Un récent article du site Car And Driver rapporte que la plupart des constructeurs n’ont pas constaté d’énormes incidences sur leur production ou leurs ventes ces dernières semaines.

Ailleurs dans la tech : les services à la demande et l’e-commerce font florès

Comme nous l’écrivions plus haut à propos des plates-formes de jeu comme Steam, celles de SVoD ne se sont jamais mieux portées.

Alors que chaque jour davantage de monde est confiné à domicile, les fournisseurs de services de vidéo à la demande se frottent les mains — et pas uniquement pour les désinfecter.

D’après Statista, tous les voyants de Netflix sont au vert. Les injonctions gouvernementales à rester chez soi dopent ses abonnements. La plate-forme prévoit ainsi de recruter près de 7 millions de nouveaux clients sur le premier trimestre 2020. De quoi revoir à la hausse les projections financières initiales, qui tablaient sur une croissance annuelle de 29,9% pour les ramener à 30,9%.Faute de pouvoir maintenir ses parcs ouverts, Disney devrait lui aussi enregistrer une belle hausse de ses abonnés. A fortiori à quelques jours du lancement officiel de Disney+ en France (le 24 mars). Aux États-Unis, la plate-forme multiplie les appels du pied à ses abonnés actuels et futurs. Star Wars : l’Ascension de Skywalker a notamment été rendu disponible en avance sur sa date de sortie, tout comme La Reine des Neiges 2 qui sortira prématurément.

Revers de la médaille : la production de nouvelles séries et films est à l’arrêt. Tous les studios ont fait savoir que, les avions étant cloués au sol et le risque de propagation du virus plus fort que jamais, les caméras resteront rangées jusqu’à nouvel ordre. On peut dès lors s’attendre à des reports de sortie importants pour plusieurs films (notamment le prochain James Bond) et séries.

Du côté d’Amazon, l’entreprise prospère. Et pas seulement pour sa plate-forme de SVoD. Alors que la plupart des magasins sont fermés dans le monde, the show must go on pour la plus grande marketplace d’Internet. Les livraisons toujours assurées dans une grande partie du globe, Amazon se gargarise qu’une part grandissante d’individus soient cloitrés à domicile et ne trouve rien de mieux à faire que de naviguer sur son magasin en ligne.En réalité, Amazon a d’ores et déjà fait passer le mot qu’il allait recruter 100 000 nouveaux collaborateurs pour faire face à la demande croissante. L’entreprise a également investi 350 millions de dollars afin d’augmenter — temporairement — le salaire de ses employés dans le monde. Une hérésie, selon notre propre ministre de l’Économie Bruno Le Maire, qui s’insurge contre les conditions et les pressions « inacceptables » que fait peser Amazon sur ses salariés, notamment en refusant de payer ceux qui auraient fait valoir leur droit de retrait.

Outre la distribution, Amazon peut aussi se réjouir du nombre grandissant d’entreprises à devoir opter pour le télétravail. En effet, n’oublions pas qu’Amazon tire l’essentiel de son chiffre d’affaires de Amazon Web Services — sa solution de cloud d’entreprises. Des entreprises qui, dans les prochaines semaines, devraient se ruer sur ses solutions afin d’assurer une continuité dans leurs modes de fonctionnement à distance.

Enfin, le nouvel El Dorado du divertissement profite évidemment de la situation. Nous voulons bien entendu parler des podcasts, qui jouissent d’une popularité croissante depuis deux ans. Sans surprise, ce sont les podcasts dédiés au coronavirus qui remportent la palme des écoutes, avec plus de 875 000 écoutes cumulées sur les podcasts du réseau Acast — l’un des plus gros éditeurs mondiaux de balados.

Une explosion du trafic Internet

Si le chapitre précédent peut donner matière à se réjouir pour certains acteurs de la tech, il pose un défi majeur pour les infrastructures Internet du monde entier.

Tous les fournisseurs d’accès prévoient une augmentation sensible de la bande passante au cours des prochaines semaines. Des niveaux de débits records ont déjà été établis sur le nœud DE-CIX à Francfort, rapporte Le Monde. Faut-il s’attendre à des restrictions de débits ou une canalisation des flux pour éviter l’implosion du système ?

https://www.clubic.com/coronavirus/article-889226-1-covid-19-impact-tech-court-moyen-terme.html