08/12/2024

Le Regard

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LE PHENOMENE  BRANCHEMENT DANS LE MILIEU UNIVERSITAIRE, UN MAL QUI COMPROMET L’AVENIR DES ETUDIANTS ! 

L’intégrité englobe un ensemble de valeurs et de comportements qui promeuvent l’honnêteté, la crédibilité, la confiance et le respect des normes éthiques. Elle est généralement enseignée dans les milieux éducatifs tels que les écoles et les universités. Malheureusement de nos jours, très peu d’écoles et universités accordent une place de choix à l’intégrité. Des actions ou initiatives pour promouvoir l’intégrité sont de plus en plus absentes, avec comme conséquences l’enracinement des antivaleurs. Au nombre de ces antivaleurs qui gangrènent le milieu universitaire figure une des pratiques corruptives communément appelée « branchement ». Elle se pratique entre enseignants et étudiants. Quelles sont les conséquences du branchement et quelles solutions pour renverser la tendance ? C’est à ces deux grandes questions que nous allons tenter de répondre.

LE BRANCHEMENT, UNE TRISTE REALITE DANS LES UNIVERSITES DE KINSHASA 

Le monnayage des points communément appelé branchement est une pratique corruptive qui se porte à merveille dans bon nombre d’universités de Kinshasa. Trois étudiants sur les cinq interrogés disent avoir « branché » au moins une fois dans leur cursus académique.

Chadi SHINKINA, nom d’emprunt a terminé ses études il y a une année à l’institut facultaire des sciences de l’information et de la communication IFASIC, actuelle université des sciences de l’information et de la communication UNISIC. Elle avoue qu’elle a une fois corrompu un enseignant.

« Je dirai que c’est l’enseignant s’arrangeait pour qu’Il n’y ait pas de réussites dans son cours afin que les étudiants sollicitent son aide moyennant quelques billets de banque. Ayant échoué, je n’ai pas hésité de le voir. Mais je regrette cet acte parce que je réalise que j’ai fini mes études mais sans la maitrise de ce cours » a-t-elle expliqué.

Emma sanza nom d’emprunt de l’académie de beaux-arts dit avoir été obligé de recourir à l’aide d’un assistant pour changer sa cote au risque de reprendre une nouvelle fois l’année.

« J’avais déjà repris une première fois et je ne pouvais admettre que cela arrive encore. J’ai sollicité l’intervention d’un grand frère qui entretenait de bonnes relations avec un assistant. Ce dernier avait accepté de m’aider après un petit dépôt sur son téléphone » a-t-il fait savoir.

Contrairement aux deux autres étudiants, Sam NGAY nom d’emprunt a lui été corrigé par un professeur de l’IFASIC qu’il a tenté de corrompre.

« Je lui ai proposé cent dollar pour qu’il m’ajoute deux points afin que j’atteigne au moins la moitié. Il m’a juste demandé à combien s’élèvent les frais académiques et contre toute attente, après ma réponse, il m’a donné la somme et m’a demandé de payer mon minerval l’année suivante car il va se rassurer que je reprenne l’année. c’était dure, j’ai repris l’année mais avec une belle leçon ».

LE MANQUE D’INTEGRITE A LA BASE DES ANTIVALEURS DANS LES UNIVERSITES 

Pour Neney SAMBI, psychologue et cheffe des travaux à l’université pédagogique nationale UPN, l’intégrité se fonde sur des   valeurs, manquer l’intégrité c’est avoir une personnalité défaillante. Le manque d’intégrité chez l’enseignant tout comme chez l’étudiant est à la base de la dégradation des mœurs et de la croissance des antivaleurs telle que la corruption ici décriée.

« Un enseignant ou un étudiant qui manque d’intégrité peut cultiver et faire l’apologie des antivaleurs ».

LE BRANCHEMENT : LES CONSEQUENCES SONT REELLES.

Communément appelée branchement, la corruption en milieu universitaire n’est pas sans conséquences. Le magistrat Baudoin KIPAKA évoque d’abord la baisse de la qualité de l’enseignement. Les étudiants qui sont habitués à tricher ou à corrompre sortent de l’université avec des têtes vides et ont du mal à se défendre en milieu professionnel et se distinguent dans le détournement de deniers publics et autres pratiques corruptives. Le magistrat KIPAKA qui est également acteur dans la lutte contre la corruption a fait savoir que la corruption entrave   la sécurité et le développement de toute une nation.

« Si ceux qui ont beaucoup d’argent corrompent, les pauvres ne vont pas s’épanouir, ce qui ne favorise pas la création d’un état de droit ou tout le monde doit jouir de ses droits et libertés ». Alerte-t-il.

PROMOUVOIR L’INTEGRITE EN MILIEU UNIVERSITAIRE, UNE NECESSITE 

Pour lutter contre la corruption, en milieu universitaire, bon nombre d’observateurs proposent la promotion des valeurs, dont l’intégrité. Cette promotion passe par la sensibilisation de tous les acteurs clefs. Pour le magistrat KIPAKA, les parents, les étudiants, enseignants et autres corps académiques et voir même les décideurs doivent être tous sensibilisés sur les méfaits, les sanctions non seulement disciplinaires mais aussi pénales qu’encourent le corrupteur, le corrompu et leurs complices et sur les avantages de la promotion des valeurs telle que l’intégrité.

« Il faut multiplier et étendre sur une longue durée les campagnes de sensibilisation dans les universités, appeler les étudiants à dénoncer, marteler sur les conséquences et les sanctions contre la corruption. La sensibilisation peut également se faire à travers les médias. Dans le cadre de la sensibilisation toujours, il faut amener les étudiants à briser le silence. Aussi, Cette sensibilisation doit être faite entre autres par la société civile et les différentes structures et services spécialisés de lutte contre la corruption. Il s’agit par exemple de l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption-APLC et la Cellule d’Innovation et de Changement des Mentalités-CICM » précise le magistrat Baudoin KIPAKA.

ALLER AU DE LA DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES !

A en croire le magistrat KIPAKA, infliger des sanctions disciplinaires aux auteurs, Co auteurs et complices de corruption ne suffit pas, il faut aussi des sanctions pénales. Il estime que traduire les acteurs de corruption en milieu universitaire en justice va rapidement changer la donne.

« La corruption est punie par nos lois. Les sanctions vont de 6 mois à 15 ans et plus de servitude pénale et d’une amende allant de cinquante mille francs à un million de franc congolais et plus.   Dénoncer et traduire en justice ceux qui la pratiquent en milieu universitaire va dissuader les autres et contribuer sensiblement à la baisse de cette pratique qui a élu domicile dans bon nombre d’universités de Kinshasa » a-t-il rassuré.

Signalons que selon un rapport publié par Transparensy international en 2023, la RDC occupe le 162èmerang des pays les plus corrompus sur un total de 184 pays. Mais des efforts sont entrains d’être fournis par le gouvernement et les différents partenaires techniques et financiers de la RDC qui se mobilisent contre ce fléau. Dans le secteur de la justice, une vaste campagne de sensibilisation des magistrats est menée en ce moment à travers tout le pays a annoncé   le magistrat KIPAKA.

Rosy MUTELA