15/10/2024

Le Regard

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RDC: Étienne Tshisekedi a 4 ans dans l’au-delà. Retour sur la saga de son décès et inhumation

La dépouille d'Etienne Tshisekedi exposé devant de centaines des milliers des RD-Congolais présents au stade des Martyrs.

Ce 1er février 2021, Tshisekedi le père totalise 4 ans depuis son départ dans l’au-delà. Grand homme épris d’amour pour le bien-être de ses concitoyens, il a forgé sa notoriété et son aura grâce à une lutte acharnée menée en faveur de l’instauration d’une vraie démocratie et d’un Etat de droit en RD-Congo. Mercredi 1er février 2017, à l’annonce du décès d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, considéré par d’aucuns comme le père de la démocratie en RD-Congo, un coup de foudre violent, en provenance de Bruxelles, s’est abattu sur Kinshasa.

Encore plus grand dans la mort

A la tombée de la nouvelle, le siège de l’UDPS, son parti, est aussitôt pris d’assaut par les militants venus faire le deuil. Comme à l’accoutumée à Kinshasa, les rameaux arpentent les alentours du Petunias à la 10ème rue Limete. Les autres quartiers de Kinshasa emboîtent les pas à l’espace de quelques instants. Tous les véhicules, principalement ceux exploitant le Boulevard Lumumba, sont sommés de porter un rameau en signe de deuil. La capitale est en deuil. Loin de Kinshasa, à la métropole coloniale, des milliers des RD-Congolais de la diaspora ont effectué le déplacement du palais des expositions du Heysel, dimanche 5 février, en vue de rendre un vibrant et dernier hommage au Dr Étienne Tshisekedi.

Tshisekedi est pleuré tant par ses militants que par ses adversaires politiques. Sa grandeur s’est davantage affirmée. Des messages de condoléance ont fusé de partout. Du Président de la République aux citoyens lambda en passant par des personnalités politiques et sociales nationales et internationales. «Jamais peut-être, un homme n’a été aussi grand dans la mort. Car, à la différence de ceux qu’on élève quand ils rendent l’âme, lui était déjà immense, de son vivant», témoigne l’éditorialiste Litsani Choukran en ce jour marquant le 4ème anniversaire de décès du Sphynx de Limete.

Les RD-Congolais de la diaspora rendant un dernier hommage au Lider Maximo à Bruxelles.

Tshisekedi: une mort avec incidence sur les enjeux politiques

Étienne Tshisekedi a passé l’arme à gauche alors que le pays vivait un moment très agité du fait des discussions du Centre interdiocésain de Kinshasa ayant tiré en longueur. Sans convergence quasiment, un accord a toutefois été signé le 31 décembre 2016. Le texte additif à l’accord, appelé «Arrangements particuliers», a posé problème. Aucun point de convergence entre les parties. Dans un tel contexte, Étienne Tshisekedi, combattant de première ligne, a baissé la garde devant la maladie d’embolie pulmonaire du haut de ses 84 ans. Sa mort a fait planer un doute sans précédent quant à l’avenir de sa formation politique et surtout à l’aboutissement de l’Accord du 31 décembre conclu sous les bons offices des évêques catholiques.

Pour rassurer l’opinion, les ténors de l’UDPS ont multiplié des sorties médiatiques sans changer la situation. Étienne Ilunga, un des secrétaires nationaux de l’UDPS, a lâché: «Sa mort ne peut en rien paralyser le parti. La meilleure manière de le pleurer est d’incarner sa lutte qui ne visait rien d’autre que l’instauration de la démocratie et d’un Etat de droit». Continuer sa lutte passait premièrement et prioritairement par l’organisation des obsèques dignes d’une personnalité de la trempe d’Etienne Tshisekedi. Il a fallu attendre 2 ans avant l’organisation de ces obsèques.

Coincé dans un funérarium de Bruxelles faute de conciliation

Pourtant, au lendemain de son décès, le gouvernement, alors dirigé par un Tshisekediste de pur-sang, Samy Badibanga, est entré en contact avec la famille biologique du défunt et son parti en vue de préparer l’organisation des funérailles. Comme au Centre interdiocésain, la «divergence» a régné en maître de demeure. Après de moult tractations, un premier compromis a finalement été trouvé, prévoyant de rapatrier le corps du Lider Maximo le 11 mars 2017. Une commission tripartite, composée des délégués du gouvernement, de la famille biologique et politique du decujus, devrait être instituée et s’envoler pour Bruxelles afin de réaliser les démarches nécessaires au rapatriement de la dépouille.

Le lieu de sépulture choisi n’a pas enchanté les militants qui ont tout chamboulé. Le gouverneur de la ville-province de Kinshasa, André Kimbuta, a signé un édit accordant un espace à l’entrée du cimetière de la Gombe qui, du reste, a mis les clés sous les paillassons. Les militants, eux, ont voulu d’un mausolée, à l’instar de celui de Laurent Désiré Kabila, érigé en plein centre-ville dans des sites identifiés en amont et unilatéralement. A défaut d’un mausolée à ces endroits, ils ont suggéré d’inhumer leur «Dalaï Lama» au siège du parti. Non, ont rétorqué les autorités. Conséquence: blocage.

Arrivé le 11 mars, Ya Tshitshi est contraint de prolonger son séjour dans la morgue de l’hôpital Sainte Elisabeth où il a rendu l’âme. Par la suite, des photos puis une vidéo ont fait croire qu’il a déjà été enterré dans un caveau provisoire dans la capitale belge. Intox ou réalité?

Caveau où repose le corps de Tshisekedi père à N’sele.

 

Rapatriement de Ya Tshitshi, une farce de mauvais goût

Le directoire de l’UDPS a annoncé, vers mi-avril, le retour du corps du Lider Maximo pour le 12 mai 2017. Une démarche unilatérale d’après feu Mgr Gérard Mulumba, jeune frère du défunt et présenté comme chef de famille. Jean-Marc Kabund-a-Kabund, alors SG de l’UDPS, prenant Mgr Mulumba à contre-pieds, a fait savoir que des dispositions ont été prises pour une organisation réussie des obsèques. L’UDPS, sans aval du gouverneur de Kinshasa, a entrepris des travaux de construction d’un mausolée au siège du parti et a écrit au Président de l’Assemblé nationale pour solliciter le Palais du Peuple en vue d’abriter les funérailles. Tout a semblé prendre forme et le doute éradiqué à 90%. Mais en fin de compte, le rapatriement de la dépouille du Sphynx est reporté à une date ultérieure. En ce moment-là, son rapatriement a ressemblé à une farce de mauvais goût.

Un peu plus tard, un consensus a été trouvé entre le gouvernement, dirigé par un autre Tshisekediste de pur-sang, Bruno Tshibala, l’UDPS et la famille d’Etienne Tshisekedi pour finalement donner une opportunité au peuple RD-congolais de pleurer son héros. Mgr Gérard Mulumba a annoncé que son ainé va reposer dans une concession familiale à N’sele. Cette nouvelle tentative a également capoté. Et, d’aucuns ont commencé à manifester la crainte de voir Etienne Tshisekedi subir le même sort que Mobutu Sese Seko, ancien Président de la République, et Moïse Tshombe, ancien Premier ministre, respectivement enterrés au Maroc et en Algérie, loin de la terre de leurs ancêtres.

Les Présidents de deux Congo aux obsèques du Sphynx de Limete.

Affront d’abord subi, puis lavé

Un affront, déjà subi en partie, lavé grâce notamment à l’avènement au pouvoir du fils Tshisekedi, Félix-Antoine Tshilombo. Comme promis à son investiture le 24 janvier 2019, le successeur de Joseph Kabila a réussi à rapatrier les restes d’Etienne Tshisekedi un jeudi 30 mai 2019, soit quasiment 2 ans et 3 mois après la mort du Sphynx.

Arrivée de Bruxelles par l’aéroport de N’Djili, la dépouille a été conservée dans la morgue de l’Hôpital du Cinquantenaire avant d’être exposée, le vendredi 31 mai, au stade des Martyrs de la Pentecôte devant des centaines des milliers des RD-Congolais de toutes les catégories ainsi que des personnalités venues d’ailleurs, notamment les Présidents Paul Kagame du Rwanda, Joao Lourenço d’Angola, Sassou Nguesso du Congo Brazza, Faure Nyassingbe du Togo et Edgard Lungu de la Zambie. L’inhumation d’Etienne Tshisekedi est enfin intervenue le samedi 1er juin 2019 dans un domaine familial à N’sele. Bien avant d’être porté en terre, le Sphynx de Limete a été décoré «Grand cordon» de l’ordre national des héros nationaux Kabila-Lumumba par son fils et Chef de l’Etat Félix Tshisekedi.

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