18/03/2025

Le Regard

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RDC: le Premier ministre Sama Lukonde  stoppé net dans sa gloutonerie

Auteur d’une requête dont l’enjeu a été d’obtenir l’autorisation de cumuler les fonctions de Premier ministre et de député national, Sama a été débouté par la Haute cour administrative pour respecter la «volonté manifeste du législateur d’éviter la confusion des rôles et les dédoublements des paiements à charge du Trésor public»

Le Conseil d’Etat a renvoyé bredouilles le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, non sans stopper son élan glouton. Ce, en refusant catégoriquement d’accorder à Sama Lukonde et ses poulains de cumuler les fonctions de membres du gouvernement avec celles de député national et/ou provincial.

Ce refus est la réponse de la Haute cour administrative à une requête du PM sortant, qui a sollicité l’interprétation de l’article 97 de la Constitution. Celui-ci stipule: «Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire et de toute activité professionnelle à l’exception des activités agricoles, artisanales, culturelles, d’enseignement et de recherche. Elles sont également incompatibles avec toute responsabilité au sein d’un parti politique».

Sama Lukonde, dans sa démarche, a visé la conservation de son fauteuil de Premier ministre malgré son nouveau statut de député national, acquis au terme des législatives nationales du 20 décembre dernier, afin de «d’expédier les affaires courantes en attendant l’installation du nouveau gouvernement». Une démarche qui, en cas d’aboutissement, aurait fait les affaires de la quarantaine de membres du gouvernement qui doivent démissionner dans les huit jours suivant la validation de leur mandat soit à l’Assemblée nationale soit encore aux Assemblées provinciales.

Dans son avis émis lundi 5 février, le Conseil d’État a tranché en défaveur de Sama Lukonde et ses ouailles, soutenant qu’«à partir du moment où les responsables publics ont opéré leur choix en faveur de leur nouveau mandat électif…, ce choix emporte pour effet immédiat la cessation automatique et définitive de leurs fonctions ou mandats actuels».

En des termes clairs, le Conseil d’État a estimé impossible pour un député, dont le mandat a été validé, de continuer à être ministre, y compris pour «expédier les affaires courantes».

Dans leur avis, les conseillers d’État ont évoqué entre autres «la volonté manifeste du législateur d’éviter la confusion des rôles et les dédoublements des paiements à charge du trésor public».

Selon eux, en rendant «incompatibles» les fonctions de membre de gouvernement et le mandat électif, le législateur a voulu «prévenir des possibles conflits d’intérêts et faire respecter l’équilibre des pouvoirs contenus tant dans la Constitution que dans les différentes autres lois de la République».

Pour le mandat de député national, l’interdiction de cumul des fonctions est encore, selon le Conseil d’État, «plus stricte», car censée «protéger» la séparation entre les deux pouvoirs alors que le législatif a pour mission de «contrôler» l’exécutif.

Au total, 39 membres du gouvernement Sama sont concernés par des mandats électifs dont 31 à l’Assemblée nationale. Ces députés disposent, selon l’article 19 de l’actuel Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, de huit jours, à compter de la validation de leurs pouvoirs, pour choisir entre le Parlement et le gouvernement.

La jurisprudence Muzito

Sama Lukonde, déjà débouté au Conseil d’Etat, sera vite rattrapé par la réalité et contraint de partir du château de l’avenue Roi Baudouin… sauf s’il accepte de céder définitivement son siège à l’Assemblée nationale à son suppléant pour rester deux ou trois mois supplémentaires aux commandes de l’Exécutif. Ce qui est peu envisageable pour de nombreux observateurs qui brandissent la jurisprudence Muzito.

En 2012, Adolphe Muzito, élu député national, avait démissionné de ses fonctions de Premier ministre pour enfiler son costume de député national. Il avait ainsi cédé son poste au feu Louis Alphonse Koyagialo, alors son vice-Premier ministre en charge des Postes et des Nouvelles technologies de la communication.

Douze ans plus tard, Sama Lukonde, élu à Kasenga, a en vain tenté d’empêcher la répétition de l’histoire. Tout porte à croire que son gouvernement est fin parcours, tant à l’Assemblée nationale, les travaux de validation des pouvoirs ont commencé lundi 5 février 2024 pour une durée d’une semaine.

Et si Sama Lukonde arrivait à opter pour son siège au Parlement, chèrement acquis, toute son équipe sera réputée démissionnaire. Ce qui ouvrira une voie royale pour la Primature à Jean-Pierre Bemba, l’un des rares membres du gouvernement à ne s’être pas aligné aux législatives nationales.

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