24/04/2024

Le Regard

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Tribune de Me Luambua Kokolo: la dénonciation de Mukuna contre Kabila tient la route

Me Joël Luamba Kokolo, chercheur en droit.

 

TRIBUNE:

Polémique sur la dénonciation de Monsieur Pascal MUKUNA à l’encontre de Monsieur Joseph KABILA.

En date du jeudi 07 mai 2020, Monsieur Pascal MUKUNA, Pasteur de l’Assemblée Chrétienne de Kinshasa (ACK) et Président de l’Éveil Patriotique a déposé une dénonciation au Parquet près la Cour Constitutionnelle à l’encontre de Monsieur Joseph KABILA KABANGE, Président honoraire de la République Démocratique du Congo et Sénateur à vie dudit État.

Dans sa correspondance, il dénonce entre autres:
1. Les massacres des adeptes de Bundu Dia Kongo;
2. L’assassinat d’Armand TUNGULU;
3. L’assassinat de Floribert CHEBEYA et Fidèle BAZANA;
4. Les massacres des jeunes Kuluna à Kinshasa ;
5. Les fausses communes de MALUKU;
6. Les massacres de MWANZA-LEMBA dans le Kasaï ;
7. Les massacres et fausses communes dans le Kasaï ;
8. Assassinat des experts des Nations Unies dans le Kasaï ;
9. Assassinat des manifestants et incendies des sièges des partis politiques;
10. L’assassinat de plusieurs personnes lors des manifestations organisées par le Comité Laïc de Coordination.

Ces faits sont pour la plupart des violations des droits humains ou pire des crimes de génocide et/ou contre l’humanité. Crimes réprimés par le Statut de Rome dont la République Démocratique du Congo est partie.

Depuis cette date, l’opinion publique se versait dans une lutte sans merci créant une bipolarisation.

En effet, certains Congolais et mêmes des juristes estiment que les anciens Chefs de l’État élus ne peuvent faire l’objet des poursuites en vertu des articles 7 et 8 de la loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant Statut des anciens Présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens Chefs de corps constitués.

D’autres par contre, estiment que la République Démocratique du Congo étant partie au Statut de Rome, cette loi n’a aucun effet, compte tenu que les faits reprochés tirent leur soubassement au Statut sus-mentionné.

Cette situation constitue donc un conflit entre deux lois ayant une compétence territoriale bien distinctes, à savoir : une loi interne et un traité international.

Et pourtant, cette situation a été réglée par le Constituant Congolais par l’article 215 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour qui dispose : << les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie.>> De cette disposition, nous pouvons affirmer que le Statut de Rome a donc une place supérieure à la loi n°018/021 du 26 juillet 2018.

Cette disposition Constitutionnelle est d’ailleurs renforcée par l’article 153 alinéa quatrième de la même Constitution qui à son tour dispose : <<les Cours et Tribunaux, Civils et militaires, appliquent les traités internationaux dûment ratifiés…>> Ce qui nous conduit à croire que le magistrat instructeur a tout intérêt de prendre cette dénonciation au sérieux.

Qu’est-il de la qualité officielle du Statut d’ancien Chef de l’État où même de Sénateur ?

En vertu de l’article 27.1 du Statut de Rome qui dispose :<< 1. Le présent s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de Chef de l’État où de Gouvernement, de membre d’un Gouvernement ou d’un Parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.>>

Les Cours et Tribunaux, civils et militaires Congolais ne peuvent ou ne doivent donc pas s’arrêter sur la qualité officielle de la personne poursuivie, car le Statut n’exonère pas de la responsabilité pénale.

De tout ce qui précède, nous pensons que cette dénonciation doit être prise au sérieux, car la République Démocratique du Congo est État partie du Statut de Rome, mais aussi parce qu’en vertu de la Constitution, ce Statut est supérieur aux lois internes. N’oublions pas que certains faits infractionels dénoncés tirent leur soubassement de ce Statut et que les États sont obligés d’appliquer les traités ratifiés de bonne foi.

Me Joël LUAMBUA KOKOLO, chercheur en droit