Journaliste RD-congolais, critique d’art et chercheur en développement culturel, Patrick Nzazi a passé au peigne fin la situation de la scène artistique en RD-Congo à la faveur d’un entretien accordé à « Le Regard ». Doté d’une connaissance essentielle du monde culturel pour avoir travaillé avec de nombreux artistes RD-congolais de diverses disciplines ainsi que dans de beaucoup de projets culturels, Patrick Nzazi a manifesté son mécontentement face au triste sort réservé à l’art par les autorités publiques. «L’art ou la culture reste le cadet des préoccupations de l’Etat. Une attitude déplorable», a-t-il fustigé, non sans encourager «les génies créateurs RD-congolais» à continuer «à faire preuve de leur ingéniosité afin de présenter au grand public des travaux de haute facture».
Pensez-vous que l’art plastique en RD-Congo se comporte bien?
L’art plastique se porte bien en RD-Congo en dépit de quelques difficultés auxquelles les artistes et autres acteurs culturels sont confrontés. Cette situation ne décourage pas les génies créateurs RD-congolais à faire preuve de leur ingéniosité afin de présenter au grand public des travaux de haute facture. La scène est tellement passionnante. Il y a des artistes plasticiens qui défendent valablement les couleurs nationales tant au pays qu’à l’étranger.
La création plastique RD-congolaise est foisonnante. Les artistes sont des acteurs de développement de leur propre carrière en réunissant, à leur manière, des conditions pour pouvoir assurer la production, la diffusion et la promotion de leurs œuvres. Un exercice pas facile.
Tout ça c’est pour tenter de combler l’absence de structures publiques, de galeries d’art ou de maisons de ventes à Kinshasa afin de développer leur carrière et d’en faire bénéficier la génération suivante. Je loue fortement cet engagement des artistes et théoriciens de l’art vivant en RD-Congo. Ils n’attendent pas que l’on fasse quelque chose à leur profit. C’est cette indépendance d’esprit qui me rend très heureux et de voir malgré que le pouvoir public tourne le dos au secteur culturel, les acteurs de ce secteur eux-mêmes se prennent en charge pour la survie de l’industrie culturelle et créative. Ce sont des braves.
En observant la scène artistique en RD-Congo, que retenez-vous comme leçons?
Une frange de la population kinoise consomme l’art RD-congolais malgré le fait que l’art ou la culture reste le cadet des préoccupations de l’Etat. Une attitude déplorable et qui n’encourage pas les acteurs de l’industrie culturelle et créative.
Si hier la RD-Congo était au carrefour de grandes actions artistiques avec quelques structures culturelles, artistes et événements ayant positivement vendu les potentialités culturelles et artistiques, le pays n’est plus vraiment sous les feux des grands projecteurs du monde dans le domaine depuis un certain temps, hormis quelques initiatives et organisations, à compte goute, des artistes eux-mêmes dans le but d’assurer la survie de leurs propres carrières. Ces derniers font la fierté du pays lors des grands événements organisés à travers le monde. Dans tout cela, ce qui m’intrigue davantage, c’est lorsque je constate qu’en lieu et place que l’Etat réunisse toutes les conditions pouvant permettre aux artistes de travailler sans trop de contrainte, c’est le même pouvoir public qui ne facilite pas la tâche à ses dignes filles et fils. A titre illustratif, je me demande par exemple où vont tous les frais perçus par les services communaux ayant en charge la culture ou la division urbaine de la culture. Espérons que ça ira un jour.
La sélection de Kinshasa en marge de la 5ème édition de la foire d’AKAA, est-il signe de vitalité de l’art RD-congolais?
Je le pense bien. Chaque année, les organisateurs de la foire AKAA, aux côtés des expositions, permettent aux acteurs de réfléchir sur certaines problématiques liées aux arts visuels. Et cette année, outre le Benin, le Maroc, la RD-Congo a aussi été conviée à ce grand rendez-vous en format numérique suite à la pandémie de COVID 19. Donc tout s’est passé en ligne contrairement aux éditions précédentes. Nous étions contraints de faire avec. Et nous avions parlé de la scène artistique congolaise.
Propos recueillis par Gabriella MALENGO
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