08/02/2025

Le Regard

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Les 4 pertinentes leçons à tirer de la dépréciation du Franc congolais, selon Mukoko Samba

De juillet 2019 à Juillet 2023, le Franc Congolais a perdu 34,7% de sa valeur par rapport au dollar américain, entrainant ainsi une hausse du coût de la vie dans le quotidien des Congolais qui n’était déjà pas idéale. Dans une note de 13 pages intitulée «Dépréciation du Franc congolais: Quelles leçons tirer du dernier épisode?», publiée le 30 juillet 2023, l’ancien ministre du Budget, le Professeur Daniel MUKOKO Samba, explique, chiffres à l’appui, et de manière dépassionnée, les causes de cette situation et relève quelques leçons à tirer.

Pour l’ancien ministre du Budget, la situation résulte des chocs à la fois externes et internes. Il y a d’un côté, le choc de l’appréciation du dollar américain. La devise américaine a entamé, à partir de mai 2022, sa plus forte ascension sur toutes les autres monnaies du monde, un taux moyen de 12% sur toute l’année.

Cela est consécutif à: primo, la politique monétaire agressive de la banque centrale américaine qui avait relevé ses taux directeurs avant toutes les autres banques centrales pour contrer l’inflation galopante aux Etats-Unis.

Secundo, le statut de monnaie-refuge dont le dollar jouit depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. «Le réflexe de prudence pousse les investisseurs à préférer les actifs libellés en dollar américain. La demande additionnelle de la devise américaine qui en résulte explique l’appréciation du dollar», explique Mukoko.

Et de l’autre, le choc des termes de l’échange. Mukoko Samba souligne que l’invasion russe de l’Ukraine a «entraîné l’augmentation des prix du pétrole et des céréales, alors même que l’incertitude causée par la guerre et la mollesse de la reprise dans les grandes économies (notamment la Chine) a causé la chute des prix des métaux».

Conséquence: la détérioration des termes de l’échange. Pour l’économie congolaise, cela a causé une demande accrue des devises étrangères pour faire face aux importations plus onéreuses, alors que les rentrées des devises étrangères subissent le contrecoup de la baisse des cours du cuivre et du cobalt.

Ce n’est pas tout. Sur le plan interne, les défis sécuritaires et humanitaires en RDC ont fait accroître le niveau des dépenses exceptionnelles qui ont représenté 14% de l’ensemble des dépenses de l’exercice en cours à fin mai 2023.

«La non stérilisation des liquidités générées par ces dépenses intempestives a fait exploser les avoirs excédentaires des banques commerciales». Résultat: l’accélération de la hausse des prix intérieurs. Pour Mukoko, «tant que cette situation va perdurer, les seules interventions de la BCC sur le marché des changes ne suffiront pas pour stabiliser le marché».

Des leçons à tirer:  

Mukoko Samba est formel: «…le taux du dollar en CDF doit baisser. Mais, le plus important, c’est d’y arriver en s’attaquant aux vraies causes et en procédant de la manière la plus judicieuse sans que les arbitrages politiques ne poussent à des mesures de court terme qui mettront à mal la poursuite du programme macroéconomique».

Le plus difficile, selon lui, en cette période où le Trésor public va devoir faire face à de pressantes sollicitations par la CENI et l’armée, est de maintenir une gestion plus prudente des dépenses sans sacrifier les transferts aux provinces et les investissements publics.

Pour Mukoko Samba, la première leçon est d’anticiper en tenant compte de l’évolution de l’économie mondiale. Il suggère que les experts congolais ne se limitent pas à observer les cours des matières brutes (cuivre et cobalt), mais qu’ils simulent l’effet de ces évolutions sur le cours de change et sur les termes de l’échange.

Il propose comme deuxième leçon, une meilleure coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire. Selon lui, le cadre pour cet exercice est le Comité de Conjoncture Économique présidé par le Premier ministre. Cette réunion hebdomadaire doit être préparée avec minutie avec des cibles des politiques bien précises pour produire de bons résultats.

Elle devrait, entre autres choses, examiner régulièrement le niveau et la composition du budget en devises du Trésor, le stock et les conditions de rémunération des bons BCC, le financement du déficit budgétaire courant, l’affectation des recettes exceptionnelles.

Troisième leçon, Mukoko insiste sur la Nécessité d’un vrai programme d’assainissement budgétaire. Même si la période pré-électorale ne se prête pas bien à des décisions budgétaires courageuses, il faut bien que cette question de la qualité de la dépense soit traitée de manière plus efficace.

«Des actions vigoureuses sont nécessaires sur les dépenses de fonctionnement des institutions (10% des dépenses à fin mai 2023) et des rémunérations», martèle-t-il.

Puis d’ajouter à cela la normalisation des rémunérations des agents des établissements publics, le report de la budgétisation des rémunérations et des frais de fonctionnement des établissements publics créés en cours d’exercice budgétaire, la rationalisation des primes des agents de la Fonction publique, la rationalisation des missions de service.

Comme quatrième leçon, l’ancien ministre du Budget propose l’optimisation de la gestion de la trésorerie de l’État. C’est-à-dire améliorer les prévisions des recettes et des dépenses. Pour ça, martèle-t-il, il faut que la nouvelle Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP), joue son rôle.

Ce service public sous l’autorité directe du Ministre des Finances a, entre autres, pour missions d’assurer l’exécution des dépenses et de suivre les recettes recouvrées par les administrations financières, de définir la politique financière de l’État à travers la gestion de la trésorerie et le suivi de l’endettement du pouvoir central, des provinces, des ETD et des organismes auxiliaires, et d’assurer la réglementation, la tenue et la centralisation de la comptabilité et des flux financiers du pouvoir central, des provinces et ETD ainsi que des organismes auxiliaires.

MATSHI Darnell