Selon une correspondance datée du 22 janvier 2021, la ministre RD-congolaise de l’Economie, Acacia Bandubola, a communiqué à l’intention de son collègue des Finances, après des négociations préalables avec les pétroliers, la clé de répartition pour le paiement d’une créance des sociétés pétrolières certifiée au 30 juin 2020. Mais, le paiement sollicité l’a été à l’insu du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, en affaires courantes.
Ça sent le flou. Écartant le PM Ilunkamba, la ministre Bandubola a pris soin de ne copier que le Président de la République, le gouverneur de la Banque Centrale du Congo -BCC- et le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat, alors Désiré Cashmir Kolongele Eberande, dont elle a évoqué, du reste, la lettre n°0210/01/2021 du 22 janvier 2021, elle aussi
.
Contacté à ce sujet, le cabinet de la ministre était catégorique: «Le Premier ministre Ilunga est démissionnaire». Le 22 janvier 2021, le pays est en pleine crise institutionnelle. Ilunga Ilunkamba est menacé d’éviction, mais l’Assemblée nationale n’a pas encore voté la motion de défiance contre son gouvernement. La destitution a lieu le 27 janvier 2021 et le 29 janvier, le Premier ministre a rendu la démission de son gouvernement au Président de la République. Alors, comment Bandubola a-t-elle parlé de démission du PM avant le 27 janvier ?
Un jour plus tard, soit le 30 janvier, le nouveau Directeur de cabinet du Président de la République, Guylain Nyembo nommé le 25 janvier après la période d’intérim assumée par Kolongele, a édicté les mesures conservatoires consécutives à cette déchéance. La lettre de Bandubola du 22 janvier a l’air d’un acte prémédité, un coup opéré de sang-froid. Elle a empêché le Premier ministre, présenté comme démissionnaire à cette date, d’intervenir dans ce dossier.
Le Cabinet n’a peut-être pas vu ce tour de passe-passe. Il a cru justifier la compromission de la ministre en se réfugiant derrière l’urgence de régler la situation des sociétés pétrolières confrontées par la crise due à la pandémie de Covid-19. «La République Démocratique du Congo devait 350 millions de dollars aux pétroliers. Sous Vital Kamerhe, la Présidence a payé 150 millions de dollars à l’origine de la décote de 15 millions de dollars. Il restait donc 200 millions de dollars à leur payer et à l’arrivée de Madame Acacia Bandubola, elle a découvert que les sociétés pétrolières avaient, de leur côté, un litige de 70 millions de la République Démocratique du Congo.
Avec elle, le gouvernement a négocié une compensation et la dette vis-à-vis des pétroliers s’est plafonnée à 130 millions de dollars à l’issue de la certification des manque-à-gagner et du croisement des créances. D’avoir décidé de payer 80 millions de dollars, le pays ne doit plus que 50 millions aux pétroliers», a expliqué un Conseiller de la ministre. Les efforts fournis par Madame Bandubola sont cependant éclipsés par la mise à l’écart du Premier ministre Ilunga dans le processus de paiement de la créance.
Les spécialistes du Droit administratif ont estimé qu’elle s’est mise dans un traquenard en omettant de se rappeler que son courrier a été rédigé 5 jours avant la chute du gouvernement Ilunga Ilunkamba et 7 jours avant la transmission de sa démission au Président de la République. Elle a surtout oublié que l’échange des courriers entre deux ministres ou un ministre et une autre institution doit être porté à la connaissance du Président de la République et du Premier ministre, même d’un gouvernement évincé! Certains milieux ont une autre interprétation de l’acte de la ministre de l’Economie.
«Mme a semblé avoir redouté un éventuel refus de paiement du Premier ministre, qui se serait investi pour s’assurer que la démarche ne donnerait pas lieu à une nouvelle rétro-commission et un nouveau scandale politico-médiatique», ont-ils dit. Sylvestre Ilunga Ilunkamba a été soigneusement évité et, selon les soupçons des connaisseurs, ce nouveau dossier avec les pétroliers a bel et bien débouché sur une rétro-commission de 12 millions de dollars cachés au Président de la République mais payés directement à des émissaires par les pétroliers, et à la base d’une tension latente au Cabinet et à l’Administration de l’Economie.
Bandubola a dit ne pas être au courant d’une telle information, mais les connaisseurs ont refusé de la croire. Ces suspicions sont renforcées par le contexte de l’époque: la crise FCC-CACH, l’imminence de la destitution du Premier ministre Ilunga ainsi que les nouvelles du départ de Kolongele et de l’arrivée de Guylain Nyembo. Une période propice pour… des mauvais coups.
Le Regard
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